samedi 16 décembre 2023

#RDVAncestral avec Marin Duclos

Me voici installée dans l'église Saint-Aubin de Limay. Personne n'ose venir me saluer tant j'ai l'ai recueillie. Cette église, je la connais bien puisque j'habite à une centaine de mètres d'elle, mais ce que je ne savais pas en venant m'installer dans ce village devenu une ville, c'est que certains de mes ancêtres y ont vécu.
Sans doute ai-je l'air de prier, mais, en réalité, mon esprit est en train de s'égare ; il cherche à entrer en contact avec celui de l'un de ces ancêtres qui semble habiter ce lieu sacré depuis des siècles.

Marin Duclos ! C'est incroyable ! Je suis là, devant les fonts baptismaux où vous avez été, solennellement, présenté, le 21 janvier 1661, par Marin Desnoyers, votre parrain, et par Anne Marie Potier, votre marraine.
Vous êtes le fils de Louis et de Jeanne Desnoyers. Votre parrain serait-il aussi votre oncle maternel ? Le saurai-je un jour ?
Vous avez une sœur, Marie, baptisée le 27 mai 1664 dont le parrain et la marraine portent des noms - Prévost et Jubert - qui resteront très liés à l'histoire du village, et une autre sœur, Anne, baptisée le 05 août 1666.

C'est le 09 février 1682 que vous épousez Geneviève Leroux, fille de défunt Louis et d'Anthoinete Oinville(1). Le mariage est célébré sur la rive opposée à celle où se dresse l'église Saint-Aubin, car vous êtes alors rattachés à la paroisse de Sainte-Croix de Mantes où votre père est maître sellier. Geneviève est de la paroisse Saint-Maclou, très proche de Sainte-Croix, mais je dois vous dire que cette église n'existe plus.
Pourtant, vous êtes très vite revenu vous installer à Limay pour exercer le métier de bourrelier et où vos enfants sont nés.
La vie n'est pas très facile, comme me l'a expliqué un autre de mes ancêtres lors d'un #RDVAncestral. Je me demande d'ailleurs si vous l'avez connu. Il s'appelle Robert Livet

Vous êtes décédé le 11 octobre 1707 et avez été inhumé, le même jour, dans le cimetière de Limay. Votre fils Jean, qui est mon ancêtre, et votre frère Nicolas, vous ont accompagné jusqu'à ce lieu, aujourd'hui disparu, qui, à votre époque, jouxtait l'église Saint-Aubin.

Qui est donc ce frère Nicolas dont je n'ai fait la connaissance qu'en lisant votre acte d'inhumation ?  Il est né le 24 juillet 1673, lui aussi à Limay mais, si vous êtes bien tous les deux les fils de Louis, vous n'êtes pas nés de la même mère. La vôtre est décédée avant 1670, année où, le 18 septembre 1670, Christine, fruit du second mariage de votre père, est arrivée au foyer. Une petite Magdeleine, née au début de l'an 1672, qui ne vivra que quelques mois, précède la venue de Nicolas. Votre marâtre est Elisabeth Malbranche.

Nous voici à la fin de notre #RDVAncestral, mais nous aurons certainement l'occasion de nous revoir, car j'envisage de rencontrer votre fils Jean afin qu'il me présente ses frères et sœurs, sa femme et leurs enfants.

Je vous laisse au sein de l'église Saint-Aubin, mais gardez bien en mémoire que ma vie terrestre se déroule à quelques pas d'ici... tout comme la vôtre... malgré les 300 ans qui séparent nos naissances.

Catherine Livet

(1) Pour en savoir un peu plus sur Louis Leroux et Antoinette Oinville :

Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral

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dimanche 22 mai 2022

Intimisme, pas à pas : le plan

 Pour cette partie de "Intimisme, pas à pas", nous allons tenter de retrouvé le plan suivi.

  • Le plus facile à identifier est le personnage principal. Ici, dans le texte "Intimisme" qui nous sert d'exemple, nous parlons de Germaine Livet.
    • Lorsqu'elle est née, des personnes, en particulier ses parents mais aussi les proches de ces derniers, avaient une vie avant qu'elle n'arrive. Sans ses parents, elle n'existerait pas et sans son entourage et ce qu'elle a vécu dans ses jeunes années, elle ne serait pas devenue la même...
    • Elle est donc indissociable de ses contemporains,
    • Certains vont décéder et d'autres naître durant l'existence de Germaine, il faut penser à les faire "disparaître" ou "apparaître" au moment opportun, etc.
La vie de Germaine fait partie d'un tout.
  • Les personnages seront donc les personnes qui étaient proches d'elles.
    • Lorsque je parle de Germaine, je suis ainsi amenée à parler de son entourage, de ceux qui ont vécu la même chose qu'elle, au même moment et au même endroit...
Ex. : Je ne vais pas raconter toute la guerre de 14-18, mais
  • Je vais donner quelques indications, celles dont elle disposait au moment de mon récit, en relations directes avec ses proches :
    • Les lettres envoyées par Lucien Chou
    • La situation du père de Germaine ainsi que celle de ses oncles et cousins dont elle était très proche.
  • Lorsque je parle des proches de Germaine, je donne les informations utiles au moment opportun.
  • A la fin de la biographie de Germaine, je peux très bien enchaîner avec 
    • Celle de son fils en adoptant le même plan ; je passe alors à la suite de mon histoire de famille et le récit biographique concernant son fils deviendra naturellement le chapitre suivant.
      • Certains nouveaux événements concernant Germaine et, plus particulièrement dans le cas de "Intimisme", ses parents (Germaine est décédée alors que son fils était très jeune ; ce sont les grands-parents - parents de Germaine - qui ont élevé le fils de Germaine.
    • Celle de ses parents ou grands-parents ; dans ce cas, cette partie du récit deviendra le chapitre précédant celui qui parle précisément de Germaine.
Ce plan est assez facile à mettre en place et rend le récit dynamique et très proche de la réalité.



  •  Comment savoir dans quel chapitre développer des faits qui ne concernent pas directement le personnage principal d'un chapitre donné ? 
    • Ex. : Dois-je parler du décès de Noé Livet, le père de Germaine dans le chapitre qui
      • le concerne,
      • concerne sa fille,
      • concerne son petit-fils ?
    • La réponse devrait apparaître assez clairement dans le travail préalable à la rédaction ; celui qui permet, justement, d'élaborer le meilleur plan possible.
A bientôt,
Catherine Livet

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lundi 16 mai 2022

Intimisme : Source de vie pas à pas, deuxième relecture-réécriture

Lors de la première réécriture, j'avais "figé" mon texte. Ce qui veut dire que tous les éléments de contextualisation ont été vérifiés à l'aide de bases sérieuses et que les informations ont été recoupées avec d'autres bases (Il faut absolument éviter le "biais d'ancrage" : un site peut être sérieux sans pour autant être impartial et même biaisé par une vue politique, religieuse, martiale, etc.).

Je ne reviendrai pas sur le contenu de mon histoire. C'est un très bon moyen d'être certain d'avancer.

Maintenant, je vais relire et réécrire dans le but d'améliorer ma rédaction, mon style, etc.

Si possible, il faut laisser passer un certain temps entre ces deux phases de relecture afin "d'oublier" ce qui a été écrit. Le temps qui passe va permettre à notre cerveau de lâcher prise sur le travail de création et nous verrons l'histoire d'un point de vue extérieur... ou presque. L'idéal étant, bien entendu, de faire appel à un relecteur professionnel... qui n'est pas un correcteur...

Je vais commencer par le plus facile et le plus spectaculaire :

  • Débusquer les scories :
Dans mon cas, c'est assez facile, je sais que je suis toujours obligée de traquer les "mais" que je "mets" partout. 
Voici une capture d'écran. Le résultat pour la recherche de "mes" "mais" est impressionnant ! Et encore, je ne vous présente qu'une partie de mon texte.
 

Dans la première partie de mon texte "Intimisme" (la capture ne présente qu'un extrait), j'ai utilisé 15 fois la conjonction "mais" sur un total de 938 mots.
Pour remédier au problème, il suffira, le plus souvent, d'enlever le mot en question (surtout si, comme c'est mon cas, il s'agit d'une conjonction qui n'a souvent pas lieu d'être) ou de modifier la ponctuation. Parfois, il faudra le remplacer par un synonyme.
 
Nous avons tous des "tics" d'écriture. Les connaître permet de très facilement améliorer sa rédaction.
  Amusez-vous à écrire sur un sujet précis en n'utilisant que très peu de mots (Ex. : dresser le portrait d'une mère en 500 caractères, espaces compris, au maximum). Les scories vont apparaître nettement. Connaître vos scories vous permettra de gagner un temps précieux au niveau de la relecture-réécriture de cette phase de la rédaction.

Je vais continuer par la compréhension de chaque élément de l'histoire.
  • Analyser chaque phrase, chaque paragraphe
C'est très net, il y a une phrase alambiquée :

"Ce n'est pas vraiment un drame mais, elle porte sans doute un germe héréditaire, qu'elle transmettra et qui expliquerait quelques mystères nés bien avant le 17 janvier 1900, jour où la douce Emilie Chalvet a enfanté la fille de Noé Livet qui deviendra la reine du Petit Montrouge, quartier du village de Paris 14e."

Lire à haute voix permet de débusquer aisément ces phrases mal construites ainsi que d'améliorer le rythme et la sonorité de l'ensemble du texte.

Pourquoi cette phrase pose-t-elle un problème ?
  • Parce qu'elle comporte plusieurs notions : 
    • le drame et les mystères
    • la date de naissance de Germaine
    • la présentation de ses parents
    • la situation géographique
    • l'avenir de Germaine.
C'est évidemment beaucoup trop. Il va falloir penser à une réécriture qui va pallier cette difficulté.

Réécriture :
"Ce n'est pas vraiment un drame, mais elle porte sans doute un germe, une tare, dont elle a hérité et qu'elle transmettra... Peut-être les progrès de la science permettront-ils de percer alors quelques mystères du passé. Nous n'en sommes pas là, le 17 janvier 1900, jour où la douce Emilie Chalvet a enfanté la fille de Noé Livet. Qui peut alors deviner que l'enfant deviendra la reine du Petit Montrouge, ce quartier très animé du village de Paris 14e ?"
 
Le plus facile vient d'être réalisé ; le travail n'est pas, pour autant, terminé.
  • Distinguer les répétitions.
Il n'est pas toujours évident de les voir et encore moins de les supprimer.


Dans ce même texte que nous analysons pour tenter de l'améliorer, (ce texte ne comporte que 938 mots), le mot "rampe" apparaît 4 fois dont trois dans le même paragraphe et deux de manière très rapprochée. De plus, le verbe "saute" lui est associé deux fois, toujours de façon trop proche.
 
Difficultés : 
  • La petite histoire de la glissade sur la rampe de l'escalier est importante dans le récit. Elle en dit long sur la relation entre Germaine et Lucien, leur évolution liée à l'âge et met en avant les différences qui s'installent entre une jeune fille et un jeune homme ;
  • Les synonymes de rampe d'escalier ne sont pas si nombreux et pas tout à fait interchangeables pour raconter cette anecdote (garde-corps, main courante) et une métaphore n'est pas évidente.
Réécrivons :
"... Il saute sur la rampe et, les bras écartés pour garder l'équilibre, se laisse glisser, dans un grand éclat de rire, jusqu'à la boule sur laquelle, d'une main, il prend appui pour se projeter sur le palier... Elle est joyeuse, il lui faut le rejoindre, il l'attend un étage plus bas, le regard tourné vers elle, les bras tendus au ciel. Elle saute sur le garde-corps... tout n'était que mirage... ses jupes se sont allongées, son corsage s'est ajusté et sa taille s'est resserrée... La chute est rude et les rires taris... C'est fini, jamais plus elle ne glissera sur une rampe... "

C'est indubitable, j'ai retiré une fois - celle de trop - le mot rampe. J'ai toujours la répétition du verbe sauter et franchement, je n'aime pas l'image du "garde-corps" dans cette histoire (il est en contradiction avec la liberté de glisser sur la rampe et le problème des vêtements de Germaine qui sont déjà un "garde-corps"). Je ne suis pas satisfaite.

A dire vrai, je pourrai réécrire complètement ce passage, mais ce style est le mien, c'est ma signature rédactionnelle alors, je vais purement et simplement retirer le mot rampe du milieu.
Réécrivons :
"... Il saute sur la rampe et, les bras écartés pour garder l'équilibre, se laisse glisser, dans un grand éclat de rire, jusqu'à la boule sur laquelle, d'une main, il prend appui pour se projeter sur le palier... Elle est joyeuse, il lui faut le rejoindre, il l'attend un étage plus bas, le regard tourné vers elle, il l'encourage d'un geste de la main. Elle bondit... tout n'était que mirage... ses jupes se sont allongées, son corsage s'est ajusté et sa taille s'est resserrée... La chute est rude et les rires taris... C'est fini, jamais plus elle ne glissera sur une rampe... "

Vous remarquerez que :
  • l'ellipse du mot rampe ne nuit pas à la compréhension
  • j'ai profité de la réécriture pour :
    • utiliser "bondir" à la place de "sauter", évitant une répétition
    • j'ai modifié : "les bras tendus vers le ciel" par "il l'encourage d'un geste de la main" : cela ne change rien au sens : Lucien, dans les deux cas, invite Germaine à le rejoindre en glissant sur la rampe. En revanche, cette modification évite la répétition du mot bras
    • retirer un "l" au mot palier. Car, oui, c'est vrai, je dis toujours qu'il faut faire les corrections en matière d'orthographe et de grammaire lors d'une dernière relecture (car toute modification du texte peut entraîner une modification grammaticale) mais, il est évident qu'il faut corriger les simples fautes de frappe ou d'usage au moment où on les voit.
Je peux aller beaucoup plus loin dans ma réécriture.
  • Choix des mots
Il n'est pas, bien entendu, question de se creuser la tête à chaque mot, il faut simplement trouver ceux qui n'apportent rien ou qui sont trop ou pas assez précis, ceux qui sortent de l'ordinaire, les termes techniques ou spéciaux, ceux qui peuvent être assimilés à du patois ou à l'argot - ou qui sont du patois ou de l'argot - , etc.
  • Pitchounette : 
On le trouve au 3e paragraphe "Elle s'appelle Andrée mais on l'appelle Germaine ; il paraît que cela vient d'elle... Pitchoinette..."
Je vais changer ce mot et voici pourquoi :
  • L'idée exprimée est de montrer l'innocence de l'enfant : ce n'est pas sa faute si elle ne sait pas prononcer "Andrée".
  • le mot semble approprié, pourtant il ne l'est pas :
    • Pitchounette vient du  provençal, il n'a pas sa place dans un récit de vie qui se déroule au tout début du 20e siècle à Paris.
    • Petiote est un mot moins riant au niveau de la sonorité, mais idoine. Je vais donc modifier mon texte en utilisant "petiote" à la place de "pitchounette".
  • Famille :
Dans le dernier paragraphe : "... Mais cette permission était accordée pour dire au revoir à sa famille..."
Je vais purement et simplement retirer le mot famille de cette phrase pour plusieurs rasions :
  • Préciser "famille" est faux et très restrictif : la permission n'était pas accordée pour la famille ; le permissionnaire pouvait dire au revoir à qui il voulait,
  • Germaine n'a jamais fait partie de la famille de Lucien,
  • Le mot famille apparaît huit fois dans la totalité de la partie du texte que je vous ai présentée (Intro, Source de vie partie 1 et partie 2 et passé et avenir.
Voilà, c'est terminé pour aujourd'hui. Cela ne veut pas dire que d'autres corrections ne sont pas nécessaires, mais nous avons vu les grandes lignes de cette phase de relecture-réécriture.
Ce n'est qu'à la fin de cette étape que je vais procéder à la correction de l'orthographe et de la grammaire qui ne sera pas encore la phase finale puisqu'il faudra régler la question de la mise en page et des illustrations (éventuellement).

A bientôt,
Catherine Livet

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jeudi 12 mai 2022

Intimisme : Source de vie pas à pas - Première relecture-réécriture

Après avoir réfléchi et comparé les différentes possibilités de rédaction, j'opte définitivement pour la version longue, "Intimisme". Maintenant que j'ai choisi le style et le ton de mon récit, je vais me préoccuper du contenu.

En plus de mon récit biographique que je suis actuellement en train de construire "Intimisme : Source de vie, seconde partie", j'ai déjà rédigé de nombreux petits textes qui parlent de Germaine Livet et de toutes les personnes qui gravitaient autour d'elle.

Exemples :  

A dire vrai, je vais faire figurer, dans la biographie de Germaine, tous les éléments - qui la concernent - dont j'ai parlé dans mes petits textes. Pour la démonstration, je ne vais prendre en compte que ceux du texte écrit à partir de la photo de la soupe communiste durant un "petit atelier" :  "Faire parler une photo" (animation par courriel).

Je vais donc introduire les éléments trouvés dans "Pénurie à Paris en 1914-1915" dans "Intimisme : Source de vie, seconde partie".

Voici le résultat :

 Intimisme : Source de vie, seconde partie, version 2

Papa Noé et l'oncle Henri sont rentrés, ils ne sont plus soldats mais, ce n'est pas le cas du fils de ce dernier, Lucien Montenach qui termine son service militaire... il s'imagine bien devenir aviateur... La santé de l'oncle Alexandre, qui n'a jamais été florissante, se dégrade, il faut dire que la guerre l'a marqué... il n'a jamais été soldat, à cause de sa santé, mais son fils Georges Sirejean a vite été appelé, dès ses vingt ans ; il s'est montré bien vaillant, bien courageux et il a vite été passé caporal mais une méchante blessure lui a navré le bras gauche en novembre 1915... il a échappé à l'amputation sauf que maintenant, il n'est plus bon à manier un fusil, alors il a réfléchi et a un peu précipité les choses avec sa dulcinée qu'il a épousée le 17 février 1917, lors d'une permission... tout était prévue et son oncle Noé était là pour lui servir de témoin ; il faut dire qu'il n'a pas eu un grand voyage à faire puisqu'il était infirmier à l'hôpital d'Enghien les Bains et qu'il a bénéficié d'une permission. Et puis il est reparti soldat, au service auxiliaire qu'ils disent ; cela ne l'a pas empêché de se faire remarquer et il a été nommé sergent, mais il n'est pas parti sur le Front d'Orient, il a été jugé inapte... pas à cause de sa blessure au bras dont il gardera jusqu'à la fin de sa vie des séquelles mais, à cause de sa dentition qui a été jugée trop mauvaise. Bon, peut-être que l'oncle Alexandre aurait pu accepter la blessure de son fils mais, il y a eu un autre drame... Son frère Jules Emile est parti soldat et puis, au cours de l'année 1918, il a été admis à l'hôpital parisien Necker où il est mort de tuberculose pulmonaire. Ce n'est pas drôle de perdre un frère, l'oncle Alexandre était déjà bien triste lorsque son jeune frère Léon Emmanuel est mort à Broussais en novembre 1913 alors, il n'est pas étonnant que la perte de son jumeau lui cause autant de chagrin. On dirait qu'il a du mal à respirer l'oncle Alexandre, il faut s'occuper de lui pourtant, il reste toujours souriant lorsqu'on va lui rendre visite...

Bon, c'est sûr, il s'en est passé des choses pas très belles ces dernières années mais, la guerre est finie, plus de gothas et de taubes venant obscurcir le ciel de Paris, plus d'alertes qui vous précipitent au fond des caves... La vie reprend, la petite famille a déménagé pour s'installer au 39 rue Daguerre, Emilie, toujours pleine de ressources, à tout pris en mains pour faciliter la vie de chacun ; d'ailleurs, Emile Livet, le frère de Germaine va faire sa communion, ça lui rappelle la sienne à Germaine. Elle avait été couverte de cadeaux et de dragées ; elle avait adoré le petit porte-monnaie en ivoire, elle s'en sert encore tellement il est raffiné. Elle se demande bien si son frère aura une aussi belle fête que la sienne parce que la vie n'est plus aussi facile, on manque encore de beaucoup de choses. Oh, bien sûr ! On n'est plus obligés d'aller quémander de l'aide comme au cours de la première année de la guerre... comme c'était triste cette période, même sans la photo souvenir qu'elle gardera toute sa vie, Germaine se serait souvenu de toutes ces privations, de la peur et de la faim... Elle se souvient si bien de ce grand bâtiment rustique, rue d'Alésia dans le 14e arrondissement de Paris où le parti communiste avait organisé une soupe populaire pour les habitants du quartier. Elle est si précieuse, cette photo, au premier plan, on voit les marmites et les bassinent fumantes qui devaient réchauffer l'atmosphère, pourtant , on les voit comme si nous étions avec elles, toutes ses femmes abandonnées par leurs hommes, elles sont là, emmitouflées dans leurs châles de laine sombre ; les sourires sont absents sauf sur le visage de sa mère, Emilie Chalvet... Tous les regards, graves, sont tournés vers le photographe... Ils sont si peu nombreux, les hommes ; elles sont si nombreuses, les femmes qui doivent tout assumer seules, y compris les enfants, tous ces enfants qui avaient froid, qui avaient faim et qui avaient peur pour leur père, leurs frères qui étaient là-bas, on ne savait pas vraiment où, sous un déluge d'obus, peut-être vivants ou peut-être morts, une grenade à la main, la baïonnette au canon... Qui pouvait réellement savoir au moment où la photo a été prise ? Son frère, Emile, était aussi là. Il est bien visible, coiffé du calot que peut-être son père lui avait confié, lorsqu'il en avait  reçu un nouveau lors de la distribution d'octobre-novembre 1915, en lui faisant promettre d'en prendre grand soin jusqu'à son retour... parce qu'il allait revenir, Noé Livet, il l'avait promis, il l'avait juré, pour faire de gros bécots sur les bonnes joues rondes de son enfant chéri. Mais il a l'air bien triste le petit Emile malgré la protection des bras de sa grande sœur contre laquelle il se tient blotti, le temps de la photo. Germaine est elle-même si triste, leur père lui manquait tellement, tout comme à leur mère pourtant toujours élégante, pimpante, bien mise et toujours souriante malgré toutes les difficultés... La tristesse ne se lit pas vraiment sur les traits d'Emilie et c'est normal... C'étaitt elle le pivot autour duquel toute la vie de la famille tournait... C'est elle qui décidait, dirigeait, agissait.. Elle n'avait pas le droit de défaillir. Tout le monde se reposait sur elle - et pas seulement ses enfants, car elle a vait aussi la grande responsabilité des habitants de l'immeuble où elle s'était installée - elle qui grondait lorsque les bêtises étaient faites mais qui savait, d'une caresse ou d'un simple mot, sécher les larmes et faire renaître la joie... Elle se tient, l'air grave, à la gauche d'Emilie, l'amie de toujours, celle qui est toujours, aujourd'hui encore, présente aux naissances, aux mariages et aux enterrements des Livet. Elle s'appelle Adrienne Soutiran, les enfants l'appelle tante Adrienne. Elle, habituellement si gaie, si vive, affiche un air si triste... Ils tendent tous le cou vers l'objectif ; ils veulent qu'on les voit, qu'on se souvienne qu'au moins un jour, durant la Grande Guerre, ils étaient là, serrés les uns contre les autres, unis avec les autres habitants du quartier, de ce village populaire et habituellement si animé du 14e arrondissement parisien, dans l'attente de cette soupe fumante qui va leur apporter, le temps d'un repas chaud, un certain réconfort. Lorsqu'on y pense, elle a vraiment été terrible cette guerre où avoir de l'argent à Paris permettait de s'offrir une photo souvenir mais pas de se nourir.

Aujourd'hui, tout n'est pas rentré dans l'ordre et l'on doit prendre le travail qui se présente et Germaine est monteuse mais, pas question de se faire complètement exploiter et elle a pris ses précautions en se syndicalisant. 

De toute façon, les préoccupations de l'après-guerre ne viendront pas ternir la clarté du ciel du printemps 1919 qui s'installe. Elle a bien changé notre petite Germaine et même si elle a toujours le goût de la fête, elle a d'autres idées en tête et elle s'imagine volontiers revêtir une belle robe de mariée comme celle que portait la tante Louise lorsqu'elle est devenue Madame Sirejean. Dimanche dernier, elle a fait la connaissance de Jean Schmidt, il est charmant, bien élevé et elle ne l'a pas laissé insensible d'ailleurs, ça n'a pas manqué, à peine se sont-ils quittés, qu'il lui a envoyé une petite carte... elle est magnifique, elle est toute brodée de fleurs et d'oiseau et décorée d'un petit nœud rose. Jean Schmidt a marqué l'heure, minuit trente, à laquelle il a écrit son petit mot par lequel il demande à Germaine de tenir sa promesse... quelle promesse ? On ne le saura jamais... Mais elles sont toutes bien jolies les petites cartes brodées qu'il va envoyer à Germaine sauf que le jeune homme a quitté Paris très peu de temps après leur rencontre et qu'il est rentré chez lui et... il habite loin le beau jeune prétendant... à Strasbourg... Alors, comme dit l'adage, loin des yeux, loin du coeur et puis, il faut bien reconnaître, il est charmant ce garçon mais alors, ses écrits sont un peu indigestes, voir un soupçon ampoulés... Bon, c'est flatteur d'être appelée Mademoiselle Germaine toutes les deux lignes mais franchement, le style du garçon est incompatible avec les manières parigotes de la jeune fille et puis, elle est tellement courtisée ici, dans son village de Paris 14e qu'elle oublie vite les promesses faites à Jean Schmidt...

Et puis des drames se sont joués, faisant couler beaucoup de larmes dans la famille... Oncle Alexandre est mort au début de décembre 1919 ;  plus aucun Noël ne sera comme avant lorsque toute la famille se réunissait pour partager le repas préparé par Emilie et ses soeurs, Louise et Marie. Et puis, on a pensé que Marie allait se jeter au fond de la Seine... Il faut dire que ça a été terrible pour elle, ça a été un grand choc pour tous... C'est par le câble que la nouvelle est arrivée ; Lucien Montenach venait de se tuer dans un accident d'avion, dimanche dernier, le 25 juillet 1920 ; elle l'a toujours considéré comme son fils pourtant, il est né du premier mariage d'Henri Montenach mais il avait à peine plus de deux ans lorsqu'il s'est retrouvé orphelin de mère alors, c'est elle, Marie, la seconde épouse d'Henri, qui l'a élevé, nourit, éduqué, soigné, aimé... 

Et la vie passe avec aussi ses petites et ses grandes joies. Il est là celui qu'elle veut pour mari. Elle en est certaine... Il est grand, un peu plus âgé qu'elle et il est entrepreneur... il a une belle éducation mais aime rire, chanter et danser, comme eux tous... Thérèse Livet, la grand-mère de Germaine, pense à son défunt mari, Jean Berroy, à chaque fois qu'elle le voit. Il a séduit tout le monde parce que, même si Germaine a toujours fait ce qu'elle voulait et si elle continuera à le faire, le clan des Livet ne se gênera jamais pour dire ce qu'il pense et là, Monsieur Barathon fait l'unanimité. Il fera un bon mari, un gendre idéal et un bon beau-frère...

Les dates sont arrêtées, la robe est commandée... Ils sont fous amoureux, ils se tiennent par la taille et s'embrassent en riant... C'est déchirant mais le fougueux fiancé doit partir... ses affaires l'appellent à Buxières-les-Mines, dans l'Allier, où réside sa famille. Ce ne sera pas long, une séparation de quelques jours... Il s'en va au volant de sa superbe Citroën à la rutilante carrosserie peinte de noir et de bordeau... on se salue et on se dit à bientôt... En attendant, il reste tant à faire pour que le mariage de Germaine ressemble à celui d'une princesse... La future est-elle changeante ou la couturière incompétente ? En tous les cas, au dernier essayage, la robe n'est pas seyante... Le télégramme tant attendu arrive, Pierre est sur le retour ; il a hâte de serrer Germaine contre lui alors, il va pousser la mécanique à fond pour réduire l'attente... Germaine doit être parfaite et chacune s'affaire, l'une crante les cheveux et poudre le museau de la belle  pendant que l'autre fait reluire les souliers... mais quelle robe mettre ? Enfin, elle est prête et piaffe d'impatience... bientôt, il devrait arriver... Mais le temps passe et personne n'aperçoit le bien-aimé... L'aurait-il oubliée ? Germaine se renfrogne, elle ne sait que penser... une sourde angoisse finit par l'emporter... Et puis elle se glace, comme toute l'assemblée... Là-bas, au bout de la rue, bousculant les passants dans sa course effrénée, Augustin crie, hurle en gesticulant... Rouge, essoufflé, rompu, la casquette envolée, le facteur se fige... il avale sa salive puis, posant une main protectrice sur le bras de la promise, se lance et transmet la terrible nouvelle... Pierre Barathon a eu un accident... il a fallu découper la carrosserie pour le sortir de sa voiture qui a fait plusieurs tonneaux sur la route de Vierzon... la vitesse était trop grande et le virage trop serré... les jambes ont été brisées et le thorax enfoncé... Le mariage ne se fera pas, le fiancé est mort...

Stupéfaction et consternation se lisent sur les visages... tout le quartier est dans la rue... Les yeux des commères se posent sur la taille de Germaine qui, des deux mains, caresse son ventre tout rond... la couturière n'est pas incompétente mais Germaine est changeante...

Catherine Livet

 Un petit audio extrait d'un stage en cours :


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