Après avoir réfléchi et comparé les différentes possibilités de rédaction, j'opte définitivement pour la version longue, "Intimisme". Maintenant que j'ai choisi le style et le ton de mon récit, je vais me préoccuper du contenu.
En plus de mon récit biographique que je suis actuellement en train de construire "Intimisme : Source de vie, seconde partie", j'ai déjà rédigé de nombreux petits textes qui parlent de Germaine Livet et de toutes les personnes qui gravitaient autour d'elle.
Exemples :
A dire vrai, je vais faire figurer, dans la biographie de Germaine, tous les éléments - qui la concernent - dont j'ai parlé dans mes petits textes. Pour la démonstration, je ne vais prendre en compte que ceux du texte écrit à partir de la photo de la soupe communiste durant un "petit atelier" : "Faire parler une photo" (animation par courriel).
Je vais donc introduire les éléments trouvés dans "Pénurie à Paris en 1914-1915" dans "Intimisme : Source de vie, seconde partie".
Voici le résultat :
Intimisme : Source de vie, seconde partie, version 2
Papa Noé et l'oncle Henri sont rentrés, ils ne sont plus soldats mais, ce n'est pas le cas du fils de ce dernier, Lucien Montenach qui termine son service militaire... il s'imagine bien devenir aviateur... La santé de l'oncle Alexandre, qui n'a jamais été florissante, se dégrade, il faut dire que la guerre l'a marqué... il n'a jamais été soldat, à cause de sa santé, mais son fils Georges Sirejean a vite été appelé, dès ses vingt ans ; il s'est montré bien vaillant, bien courageux et il a vite été passé caporal mais une méchante blessure lui a navré le bras gauche en novembre 1915... il a échappé à l'amputation sauf que maintenant, il n'est plus bon à manier un fusil, alors il a réfléchi et a un peu précipité les choses avec sa dulcinée qu'il a épousée le 17 février 1917, lors d'une permission... tout était prévue et son oncle Noé était là pour lui servir de témoin ; il faut dire qu'il n'a pas eu un grand voyage à faire puisqu'il était infirmier à l'hôpital d'Enghien les Bains et qu'il a bénéficié d'une permission. Et puis il est reparti soldat, au service auxiliaire qu'ils disent ; cela ne l'a pas empêché de se faire remarquer et il a été nommé sergent, mais il n'est pas parti sur le Front d'Orient, il a été jugé inapte... pas à cause de sa blessure au bras dont il gardera jusqu'à la fin de sa vie des séquelles mais, à cause de sa dentition qui a été jugée trop mauvaise. Bon, peut-être que l'oncle Alexandre aurait pu accepter la blessure de son fils mais, il y a eu un autre drame... Son frère Jules Emile est parti soldat et puis, au cours de l'année 1918, il a été admis à l'hôpital parisien Necker où il est mort de tuberculose pulmonaire. Ce n'est pas drôle de perdre un frère, l'oncle Alexandre était déjà bien triste lorsque son jeune frère Léon Emmanuel est mort à Broussais en novembre 1913 alors, il n'est pas étonnant que la perte de son jumeau lui cause autant de chagrin. On dirait qu'il a du mal à respirer l'oncle Alexandre, il faut s'occuper de lui pourtant, il reste toujours souriant lorsqu'on va lui rendre visite...
Bon,
c'est sûr, il s'en est passé des choses pas très belles ces dernières
années mais, la guerre est finie, plus de gothas et de taubes venant
obscurcir le ciel de Paris, plus d'alertes qui vous précipitent au fond
des caves... La vie reprend, la petite famille a déménagé pour
s'installer au 39 rue Daguerre, Emilie, toujours pleine de ressources, à
tout pris en mains pour faciliter la vie de chacun ; d'ailleurs, Emile
Livet, le frère de Germaine va faire sa communion, ça lui rappelle la
sienne à Germaine. Elle avait été couverte de cadeaux et de dragées ;
elle avait adoré le petit porte-monnaie en ivoire, elle s'en sert encore
tellement il est raffiné. Elle se demande bien si son frère aura une
aussi belle fête que la sienne parce que la vie n'est plus aussi facile,
on manque encore de beaucoup de choses. Oh, bien sûr ! On n'est plus obligés d'aller quémander de l'aide comme au cours de la première année de la guerre... comme c'était triste cette période, même sans la photo souvenir qu'elle gardera toute sa vie, Germaine se serait souvenu de toutes ces privations, de la peur et de la faim... Elle se souvient si bien de ce grand bâtiment rustique, rue d'Alésia dans le 14e arrondissement de Paris où le parti communiste avait organisé une soupe populaire pour les habitants du quartier. Elle est si précieuse, cette photo, au premier plan, on voit les marmites
et les bassinent fumantes qui devaient réchauffer l'atmosphère, pourtant , on les voit comme si nous étions avec elles, toutes ses femmes abandonnées par leurs hommes, elles
sont là, emmitouflées dans leurs châles de laine sombre ; les sourires
sont absents sauf sur le visage de sa mère, Emilie Chalvet... Tous les regards, graves, sont tournés vers le
photographe... Ils sont si peu nombreux, les hommes ; elles sont si
nombreuses, les femmes qui doivent tout assumer seules, y compris les
enfants, tous ces enfants qui avaient froid, qui avaient faim et qui avaient peur
pour leur père, leurs frères qui étaient là-bas, on ne savait pas vraiment
où, sous un déluge d'obus, peut-être vivants ou peut-être
morts, une grenade à la main, la baïonnette au canon... Qui pouvait réellement savoir au moment où la photo a été prise ? Son frère, Emile, était aussi là. Il est bien visible, coiffé
du calot que peut-être son père lui avait confié, lorsqu'il en avait reçu un
nouveau lors de la distribution d'octobre-novembre 1915, en lui faisant
promettre d'en prendre grand soin jusqu'à son retour... parce qu'il allait revenir, Noé Livet, il l'avait promis, il l'avait juré, pour faire de gros
bécots sur les bonnes joues rondes de son enfant chéri. Mais il a l'air bien
triste le petit Emile malgré la protection des bras de sa grande sœur
contre laquelle il se tient blotti, le temps de la photo. Germaine est
elle-même si triste, leur père lui manquait tellement, tout comme à leur
mère pourtant toujours élégante, pimpante, bien mise et toujours
souriante malgré toutes les difficultés... La tristesse ne se lit pas
vraiment sur les traits d'Emilie et c'est normal... C'étaitt elle le pivot
autour duquel toute la vie de la famille tournait... C'est elle qui
décidait, dirigeait, agissait.. Elle n'avait pas le droit de défaillir. Tout le
monde se reposait sur elle - et pas seulement ses enfants, car elle a vait
aussi la grande responsabilité des habitants de l'immeuble où elle s'était installée - elle qui grondait lorsque les bêtises étaient faites mais qui savait,
d'une caresse ou d'un simple mot, sécher les larmes et faire renaître la
joie... Elle se tient, l'air grave, à
la gauche d'Emilie, l'amie de toujours, celle qui est toujours, aujourd'hui encore, présente aux
naissances, aux mariages et aux enterrements des Livet. Elle s'appelle
Adrienne Soutiran, les enfants l'appelle tante Adrienne. Elle,
habituellement si gaie, si vive, affiche un air si triste... Ils
tendent tous le cou vers l'objectif ; ils veulent qu'on les voit, qu'on
se souvienne qu'au moins un jour, durant la Grande Guerre, ils étaient
là, serrés les uns contre les autres, unis avec les autres habitants du
quartier, de ce village populaire et habituellement si animé du 14e
arrondissement parisien, dans l'attente de cette soupe fumante qui va
leur apporter, le temps d'un repas chaud, un certain réconfort. Lorsqu'on y pense, elle a vraiment été terrible cette guerre où avoir de l'argent à Paris permettait de s'offrir une photo souvenir mais pas de se nourir.
Aujourd'hui, tout n'est pas rentré dans l'ordre et l'on doit prendre le travail qui se présente et Germaine est monteuse mais, pas question de se faire complètement exploiter et elle a pris ses précautions en se syndicalisant.
De toute façon, les préoccupations de l'après-guerre ne viendront pas ternir la clarté du ciel du printemps 1919 qui s'installe. Elle a bien changé notre petite Germaine et même si elle a toujours le goût de la fête, elle a d'autres idées en tête et elle s'imagine volontiers revêtir une belle robe de mariée comme celle que portait la tante Louise lorsqu'elle est devenue Madame Sirejean. Dimanche dernier, elle a fait la connaissance de Jean Schmidt, il est charmant, bien élevé et elle ne l'a pas laissé insensible d'ailleurs, ça n'a pas manqué, à peine se sont-ils quittés, qu'il lui a envoyé une petite carte... elle est magnifique, elle est toute brodée de fleurs et d'oiseau et décorée d'un petit nœud rose. Jean Schmidt a marqué l'heure, minuit trente, à laquelle il a écrit son petit mot par lequel il demande à Germaine de tenir sa promesse... quelle promesse ? On ne le saura jamais... Mais elles sont toutes bien jolies les petites cartes brodées qu'il va envoyer à Germaine sauf que le jeune homme a quitté Paris très peu de temps après leur rencontre et qu'il est rentré chez lui et... il habite loin le beau jeune prétendant... à Strasbourg... Alors, comme dit l'adage, loin des yeux, loin du coeur et puis, il faut bien reconnaître, il est charmant ce garçon mais alors, ses écrits sont un peu indigestes, voir un soupçon ampoulés... Bon, c'est flatteur d'être appelée Mademoiselle Germaine toutes les deux lignes mais franchement, le style du garçon est incompatible avec les manières parigotes de la jeune fille et puis, elle est tellement courtisée ici, dans son village de Paris 14e qu'elle oublie vite les promesses faites à Jean Schmidt...
Et puis des drames se sont joués, faisant couler beaucoup de larmes dans la famille... Oncle Alexandre est mort au début de décembre 1919 ; plus aucun Noël ne sera comme avant lorsque toute la famille se réunissait pour partager le repas préparé par Emilie et ses soeurs, Louise et Marie. Et puis, on a pensé que Marie allait se jeter au fond de la Seine... Il faut dire que ça a été terrible pour elle, ça a été un grand choc pour tous... C'est par le câble que la nouvelle est arrivée ; Lucien Montenach venait de se tuer dans un accident d'avion, dimanche dernier, le 25 juillet 1920 ; elle l'a toujours considéré comme son fils pourtant, il est né du premier mariage d'Henri Montenach mais il avait à peine plus de deux ans lorsqu'il s'est retrouvé orphelin de mère alors, c'est elle, Marie, la seconde épouse d'Henri, qui l'a élevé, nourit, éduqué, soigné, aimé...
Et la vie passe avec aussi ses petites et ses grandes joies. Il est là celui qu'elle veut pour mari. Elle en est certaine... Il est grand, un peu plus âgé qu'elle et il est entrepreneur... il a une belle éducation mais aime rire, chanter et danser, comme eux tous... Thérèse Livet, la grand-mère de Germaine, pense à son défunt mari, Jean Berroy, à chaque fois qu'elle le voit. Il a séduit tout le monde parce que, même si Germaine a toujours fait ce qu'elle voulait et si elle continuera à le faire, le clan des Livet ne se gênera jamais pour dire ce qu'il pense et là, Monsieur Barathon fait l'unanimité. Il fera un bon mari, un gendre idéal et un bon beau-frère...
Les dates sont arrêtées, la robe est commandée... Ils sont fous amoureux, ils se tiennent par la taille et s'embrassent en riant... C'est déchirant mais le fougueux fiancé doit partir... ses affaires l'appellent à Buxières-les-Mines, dans l'Allier, où réside sa famille. Ce ne sera pas long, une séparation de quelques jours... Il s'en va au volant de sa superbe Citroën à la rutilante carrosserie peinte de noir et de bordeau... on se salue et on se dit à bientôt... En attendant, il reste tant à faire pour que le mariage de Germaine ressemble à celui d'une princesse... La future est-elle changeante ou la couturière incompétente ? En tous les cas, au dernier essayage, la robe n'est pas seyante... Le télégramme tant attendu arrive, Pierre est sur le retour ; il a hâte de serrer Germaine contre lui alors, il va pousser la mécanique à fond pour réduire l'attente... Germaine doit être parfaite et chacune s'affaire, l'une crante les cheveux et poudre le museau de la belle pendant que l'autre fait reluire les souliers... mais quelle robe mettre ? Enfin, elle est prête et piaffe d'impatience... bientôt, il devrait arriver... Mais le temps passe et personne n'aperçoit le bien-aimé... L'aurait-il oubliée ? Germaine se renfrogne, elle ne sait que penser... une sourde angoisse finit par l'emporter... Et puis elle se glace, comme toute l'assemblée... Là-bas, au bout de la rue, bousculant les passants dans sa course effrénée, Augustin crie, hurle en gesticulant... Rouge, essoufflé, rompu, la casquette envolée, le facteur se fige... il avale sa salive puis, posant une main protectrice sur le bras de la promise, se lance et transmet la terrible nouvelle... Pierre Barathon a eu un accident... il a fallu découper la carrosserie pour le sortir de sa voiture qui a fait plusieurs tonneaux sur la route de Vierzon... la vitesse était trop grande et le virage trop serré... les jambes ont été brisées et le thorax enfoncé... Le mariage ne se fera pas, le fiancé est mort...
Stupéfaction et consternation se lisent sur les visages... tout le quartier est dans la rue... Les yeux des commères se posent sur la taille de Germaine qui, des deux mains, caresse son ventre tout rond... la couturière n'est pas incompétente mais Germaine est changeante...
Catherine Livet
Un petit audio extrait d'un stage en cours :
Vers la deuxième relecture-réécriture
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